Utopie

Avec le concept d’utopie (3ème axe de recherche), on pousse la temporalité jusqu’à l’histoire et on engage l’imagination dans sa dimension à la fois historique et socialement critique. On procèdera par analogie avec les deux axes précédents de manière à assurer la cohérence de ce troisième champ avec les deux premiers.

Ainsi, on dessinera à nouveau une cartographie critique, celle des théories et des fictions de l’utopie depuis Thomas More, toujours articulée sur la dialectique ou l’éventuelle dissension du schème continuité-discontinuité.

Mais cette cartographie ira encore plus loin : tenant compte d’une relative défiance de la pensée contemporaine à l’égard du concept d’utopie, il s’agira de montrer comment cette défiance se soutient d’une réduction indue des paradoxes du concept d’utopie.

Un certain nombre de philosophes contemporains ont ainsi récusé le concept d’utopie tout en mettant en forme – ailleurs, sous d’autres termes ou de manière implicite et parfois inaboutie – les dimensions propres à l’utopie comprise dans toute sa richesse paradoxale.

En décrivant ces rendez-vous manqués avec l’utopie, sera précisé aussi comment, à l’inverse, c’est encore une fois le schème continuité-discontinuité (d’autant mieux compris dans ses potentialités qu’il est mis à l’épreuve des axes 1 et 2) qui permet de donner à voir les conditions de la puissance critique de la projection utopique.

Ainsi, le travail sur l’utopie, en retour, confirme et prolonge dans les pensées de la concrétude du social-historique ce qui aura été posé comme les conditions temporelles et imaginatives du rapport critique à l’avenir.

Horizon permanent de la recherche, l’utopie permet, bien sûr, de penser la puissance critique du rapport à l’avenir mais elle conduira aussi, en fin de compte, à penser les difficultés et les tensions internes à celle-ci.

On devra ainsi clarifier la co-implication de l’altération du présent (déjà mobilisée dans la projection temporelle et la mise en crise du présent par l’imagination), qui est comme telle de l’ordre de la déconstruction et de la discontinuité, et de la projection, qui est comme telle de l’ordre de la dynamique et de la continuité instituante.